Combattez le mal : soyez "verts"!
D’après vous, au XXIIème siècle, comment désignera-t-on le début des années 2000? Si je me fis aux premières pages des journaux, aux nouveaux produits commerciaux et aux discussions populaires de ces dernières années, quelque chose me dit qu’ils les appelleront « les années vertes »… et qu’ils se feront un malin plaisir à se moquer de notre mentalité!

En effet, à moins que vous habitiez dans le fond d’une caverne sur Mars, il est impossible que vous ne connaissiez pas l’idée suivante : la planète est en danger parce que l’homme pollue. Pour améliorer (ou disons ne pas aggraver) la situation, on nous encourage depuis déjà plusieurs années à « être verts », c’est-à-dire à effectuer des petits gestes tels que recycler. C’est une bonne chose je crois... Une chance, parce que dans le cas inverse, je serais probablement entrain de me faire insulter ou lapider par des gens « engagés » et « ayant une conscience sociale ». Ça, c’est peut-être une moins bonne chose!

Comme tout le monde, je ne suis pas vraiment en mesure de constater les impactes réels qu’a un petit geste de recyclage sur l’environnement. Ce que je suis en mesure de constater par contre, ce sont les conséquences qu’ont cette « mode verte » sur certains esprits. Mais cette mode, contrairement à la mode vestimentaire par exemple, n’influence pas le jugement esthétique : elle influence jugement éthique. Et oui, avec la « pensée verte », l’idée de « vert » devient fortement associé à l’idée de « bien ». Vous venez de refuser un sac en plastique pour transporter vos commissions? Si vous adhérez à cette mode, vous ressentez sans doute à quelque part le sentiment d’être une « bonne » personne, de faire parti du clan des « gentils » dans la bataille pour la survie de la planète. Mais à quoi est-ce que cette manière de penser conduit parfois? À l’association de l’idée de « non-vert » à celle de « mal », c’est presque inévitable! Et que veut-on faire avec ce qui incarne le mal lorsque nos esprits sont sans nuances? On veut le combattre et même le détruire si possible, quelle question!

Peu importe l’opinion que vous avez en lisant ces lignes, tout le monde est un peu victime de ces connotations éthiques qu’amène la mode écologique. Des arbres? Instinctivement Bien. Des usines? Instinctivement Mal. Un produit biologique? Instinctivement Bien. Un produit artificiel ou génétiquement modifié? Instinctivement Mal. C’est ainsi que la « pensée verte » forge tranquillement l’esprit des gens d’aujourd’hui, et ce sans qu’ils s’en rendent compte. Je penche tout de même vers ceux qui croient que cela aura des conséquences globalement positives à long termes, mais je ne peux m’empêcher de constater certaines autres conséquences plus critiquables dans l’immédiat… La pensée verte me semble être devenue davantage un outil de manipulation qu’un outil de progrès, et davantage un moyen de se prendre pour un sauveur de l’humanité et une bonne personne que d’en être réellement une.

Pourquoi un outil de manipulation? Les exemples pleuvent, mais prenons celui-ci que j’ai trouvé particulièrement comique. Il s’agit d’une publicité « anti-Conservateurs » qui était affichée à l’Université Laval (eh, en politique, c’est toujours plus efficace de descendre les autres que de se présenter!). Dans le bas de l’affiche était inscrite la note suivante : « En passant, ceci est imprimé sur du papier entièrement recyclé! ». Qu... Qu... Quoi? Ai-je raté quelque chose!? Aaaah, la pensée verte! Y a-t-il un meilleur moyen pour que les gens nous associent à l’idée de Bien qu’en précisant qu’on est écologique? Et le pire, c’est que cela fonctionne souvent!

Plusieurs ont remarqué ce phénomène et ont su en tirer profit. En effet, maintes publicités utilisent maintenant ces associations éthiques abstraites/inconscientes de la « pensée verte » : vous n’avez qu’à ouvrir les yeux! Dans les journaux, à la télévision, dans les rues... Il est préférable d’acheter un produit de telle compagnie plutôt qu’un produit de telle autre s’il est mentionné « écologique », n’est-ce pas? Mais bon, à quel point le produit est réellement plus écologique que ses compétiteurs, voire réellement/concrètement écologique tout court, cela importe peu… Après l’achat, Mr. Vert et Mme. Verte seront tout fiers car ils croiront avoir participé à la construction d’un monde meilleur, un sentiment de bien-être et de respect envers eux-mêmes les envahira! Et par là se glissera aussi peut-être un sentiment de mépris et de supériorité envers ceux qui n’y auront pas autant participé qu’eux... Et oui, la méchante compagnie capitaliste qui ne souhaitait que faire de l’argent sur le dos des consommateurs disparaît soudainement sous sa nouvelle image écologique! Pouf! Son objectif premier n’est plus de faire de l’argent : c’est d’aider la planète! Quelle magie, cette pensée verte!

D’ailleurs, si vous avez un ami ou une connaissance qui s’identifie particulièrement à la mode verte, vous avez probablement déjà assisté à un autre des tours de passe-passe dont cette magie est capable, un spectacle assez particulier : lui (ou elle) qui juge violemment un homme qui jette un déchet recyclable à la poubelle. En fait, ce jugement violent devient un réflexe de l’esprit forgé par la pensée verte du nouveau millénaire que tout le monde développe tranquillement. Toutefois, lorsque nous en viendrons (en fait, je crois que c’est déjà le cas!) à avoir trop de matières recyclées pour ce que nous pouvons produire avec elles, quelle sera la réelle différence pour « l’environnement » entre quelqu’un qui jette sa bouteille de plastique dans une poubelle et quelqu’un qui la jette dans un bac à recyclage? Concrètement? La différence sera presque nulle, si non nulle tout court, mais elle sera pourtant assez grande pour que certaines personnes se mettent en mode « mépris » et jugent violemment, se positionnant naturellement au-dessus de la personne jugée.

Bref, recyclez tant que vous voulez, utilisez des sacs en carton si cela vous chante, conduisez une voiture hybride ou achetez une tondeuse électrique, mais ne condamnez pas ceux qui ne sont pas « aussi verts » que vous : en agissant ainsi, vous ne ferez que créer un nouveau type de pollution, bien plus grave selon moi. Vous savez sans doute que plusieurs personnes se plaignent de l’attitude des individus « trop » religieux et de leur désir de convertir les autres. Mais laissez-moi vous dire cela : entre un disciple finit de Jésus et un disciple finit de Dame-Nature, il y a une différence certes, mais elle est beaucoup plus mince que l’on se l’imagine… D’ailleurs, il serait temps de mettre fin à cet article : autrement, je risquerais d’être condamné pour hérésie!
2 Responses
  1. Marie-Ève Says:

    Le pire, c'est qu'il y a des intégristes et des extrémistes en ce qu concerne l'écologie aussi...
    Et ils sont trop nombreux à ne pas avoir compris que quand on cherche à faire adhérer des gens à notre cause, la confrontation est une approche très mal choisie. Tout ce que ça me fait, à moi, quand un tree-hugger me harangue sur l'imminence de la disparition de toute vie sur terre à cause de NOTRE comportement irresponsable (pas le leur, eux ils sont le bien), c'est de me titiller l'esprit de contradiction. Quand je me sens attaquée comme ça, j'ai juste envie d'aller m'acheter quelque chose de suremballé dans un grand "fuck you" symbolique à tous les écolos agressifs.
    Même si leur cause est noble, il faudrait songer à corriger l'approche.


  2. nepas_ledire Says:

    Autre effet pervers de ce courant : on responsabilise (lire : culpabilise) à outrance le simple citoyen qui a le malheur d'utiliser trop de kleenex, de sortir du magasin avec un sac de plastique ou de ne pas composter ses pelures de patates, mais on ménage gentiment les entreprises qui polluent nos rivières à tour de bras, et dont une seule pollue en une seule année plus que moi-même dans toute ma vie...


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