21
jui 2013
Une
société superficielle
Combien de fois ai-je entendu dire que nous vivions dans
une société « superficielle »?
La raison pour laquelle cette critique est si populaire,
c’est qu’elle peut être inspirée par une foule de phénomènes sociaux.
Ce peut être le contenu de certaines publicités, le concept de certaines
émissions de télévision ou encore le discours de certains politiciens.

Dans tous les cas, une critique qui emploie le concept de superficialité
est motivée par un désir de vérité, d’authenticité et de pertinence. Ainsi, lorsque
nous disons d’une société qu’elle est « superficielle », le plus
souvent, nous lui reprochons la quantité abusive d’activités de communication qui s’articulent autour de la dynamique de l’image. En d’autres mots, nous affirmons que nous en avons
assez des organisations politiques et commerciales qui se présentent à nous par le biais d'une image créée artificiellement. En tant que récepteur, ce que nous voulons
percevoir, c’est l’organisation « telle qu’elle est », c’est-à-dire sans
artifices et sans mensonges.
Les
origines nébuleuses de la superficialité

Puisque la critique de la superficialité s’adresse généralement à la société en tant que résultat de l’ère industrielle, du capitalisme et du néolibéralisme, nous pourrions être tentés de croire que la dynamique de l’image est née avec le marketing moderne. Or, il n’en est rien. Créer ou gérer l’image d’un groupe ou d’un individu est une pratique qui existait déjà non seulement au Moyen-âge, mais aussi pendant la Rome et la Grèce antique. Et probablement avant. Quant au combat qui oppose le désir de vérité et d’authenticité à la superficialité de la société, lui non plus ne date pas d’hier. Ce sont des thèmes que nous pouvons facilement retrouver dans les écrits de Platon ou encore dans les écrits sacrés.
La dynamique de l’image pourra-t-elle être dépassée un jour?
Ou la société est-elle condamnée à être éternellement superficielle?
Le
défi : Créer une image non artificielle
Pour répondre à cette grande question, posons d’abord celle-ci :
Comment parvient-on à communiquer des renseignements sur une organisation ou
une personne sans créer une « image artificielle »? En disant « la
vérité »? D’accord. Mais quelle vérité? Si, par exemple, vous aviez à rédiger
un paragraphe pour présenter la station Radio-Canada « telle qu’elle est », qu’écririez-vous? Et si vous aviez à faire le même exercice
sur les épiceries IGA? Sur le combattant Georges St-Pierre? Sur le gouvernement fédéral? Sur les Québécois?
La vérité, c’est que vous seriez contraints de choisir parmi différentes vérités et que, par là, vous créeriez inévitablement une image. Les communicateurs modernes, ces professionnels que nous accusons de tous les maux, sont confrontés quotidiennement à ce type de choix. Or, même s’ils voulaient modifier l’image de leurs clients en étant le plus fidèle possible à la « réalité », eux aussi seraient contraints d’effectuer une sélection dans l’infinité d’informations et d’interprétations disponibles.
La vérité, c’est que vous seriez contraints de choisir parmi différentes vérités et que, par là, vous créeriez inévitablement une image. Les communicateurs modernes, ces professionnels que nous accusons de tous les maux, sont confrontés quotidiennement à ce type de choix. Or, même s’ils voulaient modifier l’image de leurs clients en étant le plus fidèle possible à la « réalité », eux aussi seraient contraints d’effectuer une sélection dans l’infinité d’informations et d’interprétations disponibles.
IGA
et Georges St-Pierre : même combat!

Or, en effectuant une telle sélection, vous seriez
infidèles à des réalités qui pourraient importer à des individus autres que
vous, à des individus qui n’ont pas les mêmes priorités et les mêmes objectifs
que vous. En d’autres mots, vous créeriez une image que vos détracteurs
pourront éventuellement qualifier d’« artificielle ».

Il est donc non seulement nécessaire de créer une image lorsque
l’on souhaite partager de l’information sur une organisation, mais il est aussi
impossible de garantir que cette image ne pourra pas être qualifiée d’« artificielle »
par quelqu’un d’autre.
Cela ne signifie pas que toutes les critiques de la société
qui s’appuient sur le concept de superficialité sont insignifiantes. Cela signifie
seulement que lorsque nous avons l’impression qu’une organisation moderne nie son
authenticité et qu’elle nous « ment », en fait, souvent, elle
effectue une sélection tout à fait justifiable. Cela signifie aussi que
les communications modernes ne sont pas aussi décadentes que plusieurs
personnes dîtes « engagées » le martèlent.
« La
superficialité est mauvaise » : un préjugé moral superficiel?
En fait, il serait peut-être temps de remettre en question
la connotation morale qui accompagne généralement l’opposition entre la
superficialité et l’authenticité, entre les apparences et la réalité. Alors que
la superficialité et les apparences sont souvent jugées mauvaises d’emblée, l’authenticité et la réalité, elles, sont plutôt sont jugées bonnes. Cette
association est tellement ancrée en nous qu’elle est devenue presque instinctive.
C’est pour cette raison que le terme « superficiel » a
généralement la fonction d’une insulte alors qu’en réalité, être superficiel n’est
pas toujours mauvais en soi.

Il en va de même lorsque, par exemple, un jeune adulte avec
des rastas, un bandeau et des vêtements amples qualifie de « superficiel »
un homme aux cheveux courts qui s’habille fréquemment en veston-cravate. En
réalité, les deux hommes suivent un code vestimentaire : le premier ne
fait qu’exprimer son aversion envers le second, alors qu’il est théoriquement aussi
« superficiel » que lui.
Une
critique pour les superficiellement profonds
Dans le même ordre d’idées, la personne qui
reproche à la société d’être « superficielle » ne fait souvent qu’exprimer
son aversion envers celle-ci, ou plutôt envers une incarnation particulière de
celle-ci. Or, même si émettre cette critique peut donner l’impression
d’être intelligent et profond, une telle critique n’est pas nécessairement…
intelligente et profonde. En fait, souvent, elle cible des phénomènes inhérents aux
communications, c’est-à-dire au langage et à la perception.
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