Mais qu’entend-t-on exactement par
« superficiel »? Même si nous employons ce terme régulièrement, nous
devons reconnaître qu’il s’agit d’un concept à la fois très complexe et très
abstrait. Après tout, il peut être appliqué non seulement à une société, mais
aussi à une personne, à une idée ou à un message.
Puisque la critique de la superficialité s’adresse généralement à la société en tant que résultat de l’ère industrielle, du capitalisme et du néolibéralisme, nous pourrions être tentés de croire que la dynamique de l’image est née avec le marketing moderne. Or, il n’en est rien. Créer ou gérer l’image d’un groupe ou d’un individu est une pratique qui existait déjà non seulement au Moyen-âge, mais aussi pendant la Rome et la Grèce antique. Et probablement avant. Quant au combat qui oppose le désir de vérité et d’authenticité à la superficialité de la société, lui non plus ne date pas d’hier. Ce sont des thèmes que nous pouvons facilement retrouver dans les écrits de Platon ou encore dans les écrits sacrés.
La vérité, c’est que vous seriez contraints de choisir parmi différentes vérités et que, par là, vous créeriez inévitablement une image. Les communicateurs modernes, ces professionnels que nous accusons de tous les maux, sont confrontés quotidiennement à ce type de choix. Or, même s’ils voulaient modifier l’image de leurs clients en étant le plus fidèle possible à la « réalité », eux aussi seraient contraints d’effectuer une sélection dans l’infinité d’informations et d’interprétations disponibles.
Poursuivons le défi. Pour présenter les épiceries IGA, vous n’axeriez sans doute
pas sur la vie de leurs concierges, mais plutôt sur leurs
produits d’alimentation et sur la personnalité de leurs commis. Pour présenter
Georges St-Pierre, vous ne parleriez sans doute pas d’une petite blessure qu’il
a eue lors d’un entrainement, mais plutôt de ses impressionnantes victoires.
Par exemple, la personne dont le souci sera de démontrer la
mauvaise condition des concierges chez IGA aura tendance à qualifier votre belle
image d’artificielle, tout comme la personne qui voudra démontrer que la
compétition dans les sports de combat est souvent dangereuse pour la
santé. Pourtant, lorsque vous aviez effectué votre choix pour parler d’IGA et
de Georges St-Pierre, vous n’étiez pas de mauvaise foi. Ou, du moins, pas
nécessairement.
Prenons le cas classique d’une adolescente
intellectuelle et introvertie qui ne se gêne pas pour qualifier un groupe de
jeunes filles branchées et à la mode de « superficielles ». Advenant
que cette adolescente n’ait jamais adressé la parole aux jeunes filles, son jugement sera ironiquement des plus superficiels. Après tout, il s’appuiera
uniquement sur les apparences. En théorie, la seule chose que l'adolescente affirme avec son jugement, c’est que les jeunes filles branchées accordent beaucoup
d’importance à leur apparence, ce qui n’est aucunement condamnable en soi, bien
au contraire. Mais ici, le terme « superficiel » sert surtout d’insulte.
Il témoigne essentiellement de l’aversion que l’adolescente a instinctivement (superficiellement?) envers les jeunes
filles, sans toutefois connaître leurs véritables personnalités.Prenons l’exemple d’un clivage entre le gouvernement et des manifestants. Dans l’opinion publique, certaines personnes sont pour les manifestant d’abord et avant tout parce qu’ils sont contre cette entité hypocrite, corrompue, avare et insouciante qu’est le gouvernement. À l’inverse, d’autres sont pour le gouvernement simplement parce qu’ils sont contre ces éternels insatisfaits et ces éléments perturbateurs et lâches que sont les manifestants. De ces deux cas « d’adhésion négative » ne résulte habituellement rien de concret, car aucun projet ne demande à être affirmé : il y a seulement une haine (ou une ignorance) qui demande à être exprimée. Il suffit d’écouter ce que l’on nomme « radio poubelle » pour comprendre en quoi consiste ce phénomène... À l’inverse les personnes qui adhèrent à une cause parce qu’elles défendent des valeurs et parce qu’elles ont des projets prennent les devants, agissent, ou alors discutent dans une perspective constructive. Ce type d’individus existe dans le mouvement des indignés, mais chaque mouvement contient les deux types d’adhérent.
« À quoi cela me servira-t-il? » : Qui ne s’est jamais posé cette question dans un contexte scolaire à propos d’une matière précise? Peut-être ne vous l’êtes-vous jamais posée, mais l’aspirant graphiste qui ne passait pas ses cours de physique, lui, se l’ait sans doute déjà posée! Tout comme l’aspirant médecin qui ne passait pas ses cours de géographie et l’aspirant informaticien qui ne passait pas ses cours de français… ou encore n’importe quelle autre personne qui passe tous ses cours mais qui remet malgré tout en question leur contribution à son futur personnel. Dans plusieurs cas, ce type de questionnement se produit et s'exprime surtout à l’adolescence. Mais au fond, ce questionnement disparaît-il nécessairement avec l’âge? Dans un contexte où les études peuvent difficilement être pensées sans le marché du travail, l’idée d’une « formation générale » n’invite-t-elle pas automatiquement la remise en question de sa pertinence? Ceux et celles qui ont choisis (ou qui se sont vus forcés) de se passer d’études peuvent facilement considérer celles-ci inutiles s’ils gagnent suffisamment bien leur vie. Même ceux et celles qui ont terminé des études avancées peuvent facilement jeter un regard rétrospectif et critiquer à quel point la majorité de leurs cours était « inutile » par rapport au métier concret qu’ils exercent. « Utilité » et « inutilité »… Lorsque l’éducation est pensée en ces termes, la pertinence d’une formation générale est discutable et une question étrangement paradoxale surgie : « Quelle est l’utilité des cours inutiles? ». Mais pourquoi tendons-nous à penser l’éducation en ces termes? Est-il possible de penser l’éducation d’une autre manière, non pas uniquement pour la justifier telle qu’elle est, mais potentiellement pour la comprendre et l’améliorer?
le non pas en elle-même, mais uniquement en fonction d’un objectif que l’on se fixe, parfois plus ou moins consciemment. Mais ces petits objectifs quotidiens et changeants me semblent subordonnés à un but plus élevé, plus général, qui lui est susceptible de nous éclairer sur la manière dont nous percevons l’éducation : « réussir sa vie ». Ouf, un peu vague et abstrait, n’est-ce pas? Pourtant, qui ne veut pas « réussir sa vie »? N’est-ce pas en fonction de cet objectif plus ou moins clairement formulé et plus ou moins conscient que nous effectuons nos grands choix, parfois sans même y penser? Chose certaine, c’est clairement notre conception d’une vie réussie qui nous incite à penser l’éducation en termes d’utilité ou d’inutilité.
Car au fond, quelle est la conception commune et répandue d’une vie réussie? Qui allez-vous me pointer du doigt en disant « Lui, il a vraiment réussi sa vie »? Ici, je suis peut-être prévisible, mais comprenez que l’idée de cet article n’est pas de tomber dans un cynisme profond et superficiel qui combat notre « société moderne de consommation »! Loin de moi ce cliché! Toutefois, pour poursuivre cette réflexion, nous devons admettre en toute honnêteté que si vous souhaitiez répondre à cette question, il y a beaucoup plus de chances que vous me pointeriez du doigt quelqu’un qui a une villa ou une énorme maison que quelqu’un qui a un petit appartement miteux. Quelqu’un qui a le statut de propriétaire, d’entrepreneur ou de patron, que celui de simple employé. Quelqu’un de connu dans le public que quelqu’un d’inconnu. Quelqu’un possédant un travail respecté en société, comme médecin, avocat, politicien (malgré tout ce que l’on dit…), enseignant, architecte, que quelqu’un occupant un emploi considéré plus banal, comme commis, caissier, homme d’entretien, chauffeur de camion ou de taxi, etc. Ce jugement peut paraître arbitraire aux yeux de certains, justifié aux yeux des autres, mais il s’agit bel et bien de notre jugement-réflexe et celui-ci s’effectue assez clairement en fonction d’un critère lié à l’emploi et au salaire. Mais si l’utilité d’une formation est pensée en fonction du but qu’est la réussite d’une vie et que cette réussite est communément conçue en fonction du salaire et à l’emploi, comment justifier l’idée d’une formation générale? Des cours qui ne servent ni à l’emploi ni à « la vie » peuvent-ils être considérés « utiles »? Cette question n’est pas si simple. Pourtant, vous serez d’accord que quelque chose cloche intuitivement dans l’idée de ne fournir aucune formation générale mais uniquement une formation spécialisée et ce, directement dès le primaire par exemple.
Nous sommes d’accord pour avancer que les enfants doivent bénéficier d’une formation générale jusqu’à un certain âge. Mais jusqu’à quel âge? Et… pour quelles raisons au juste? En fonction de quelle conception d’une « vie réussie »? Par habitude peut-être. Mais certainement pas en fonction de la conception qui nous incite à pointer du doigt les individus des exemples précédents!
malhonnête, lâche et particulièrement jaloux, automatiquement, sa vie ne vous semblera pas aussi réussie, et ce sans la moindre réflexion. Soit dit en passant, je n’avance pas que la richesse et la popularité excluent une personnalité respectable, heureuse et « réussie », loin de là : mais nous devons garder à l’esprit que cela est bel et bien possible.
l’économisme ». Par l’intermédiaire des médias, cet « économisme » définit stratégiquement la « vie réussie » non plus principalement par l’absence du péché comme le faisait le christianisme, mais par l’acquisition de biens, nous incitant ainsi à faire fonctionner l’économie. Ainsi est possiblement née la conception commune d’une « vie réussie ».
ilà une « vie réussie ». Le problème est que cette « vertu » n’est pas observable, me direz-vous peut-être? De base, la réussite d’une vie étant avant tout un sentiment humain, elle n’a pas à l’être. Et de plus, d’une certaine manière, c’est faux : lorsque nous entrons en contact avec une autre personne directement et non pas uniquement par l’intermédiaire de sa réputation ou de ses acquisitions, au fond de nous, nous le savons, nous sentons sa réussite ou son échec.
Bien que la conception commune et réflexe d’une « vie réussie » ne justifie aucunement l’idée d’une formation scolaire générale, la seconde conception que je vous ai présentée peut facilement prendre en charge cette justification et elle est, à mon avis, davantage fidèle au vécu humain. La formation générale permet d’initier les individus à des épreuves de diverses natures, à découvrir de nouveaux horizons, à faire des compromis, à développer l‘autonomie, à réaliser leurs talents et leurs défauts, à exploiter des potentiels qui ne l’auraient peut-être jamais été autrement. Elle permet aussi de développer une certaine culture qui alimente la réflexion et par le fait-même la discussion, chose qui peut faire toute la différence entre une personne « intéressante » et « inintéressante », une qualification directement liée à l’estime des autres et à l’estime de soi. L’idée n’est pas d’avancer que seul un contexte scolaire peut développer ces qualités, mais d’avancer qu’il est très susceptible de le faire. Bien sûr, la formation générale peut être exigeante, voire décourageante. Mais il y a un prix à payer pour « réussir sa vie » selon la conception que je vous ai présentée et que je privilégie, et ce prix n’est calculé ni en dollar, ni en euros, ni en livres : il est calculé en efforts, en persévérance et en courage.
Les opinions que l’on entend couramment sur les sujets d’actualité ou sur les questions d’intérêt public (l’éducation, la politique, l’économie, le divertissement, la morale, la loi, la famille, la santé, etc.) semblent souvent émerger assez intuitivement des individus. Pour expliquer ce phénomène, nous pourrions avancer que, le plus souvent, nos opinions ne sont que le reflet de l’environnement social dans lequel nous avons grandit et ne passent que très rarement par un processus de construction conscient et autonome. Il est vrai que le milieu joue un rôle énorme sur nos opinions, et ce même si nous sommes tous rendus maîtres dans l’art de nous faire croire le contraire (c’est mon opinion à moi! …Une influence? C’est quoi ça?). Mais bon, je vais être honnête dès le départ : lorsqu’il est question de nos opinions, il est impossible de distinguer rigoureusement « ce qui dépend de nous » de « ce qui dépend de notre environnement ». Après tout, les individus ne se distinguent pas radicalement de leurs environnements sociaux : un « cercle social » n’est pas une entité indépendante de ceux et celles qui le composent! Il est donc difficile de distinguer une opinion « automatique » d’une opinion « autonome ».
Malgré cette difficulté, souvent, chaque individu semble trouver que la validité de son opinion est « évidente », et ce par réflexe : c'est dans ces cas que nous pourrions être tentés de parler d’opinions « automatiques ». Pourtant, dans le cas des questions qui portent à controverse (avortement, privatisation du système de santé, réforme scolaire, longueur des peines en prison, accommodements raisonnables, interventions internationales, etc.), soit celles qui sont habituellement débattues, il y a d’importantes disparités dans les opinions et la notion « d’évidence » ne devrait pas vraiment s’appliquer. L’opinion des individus à propos de ces questions est généralement « déjà-là » et les informations ne sont cherchées que par la suite pour approuver ou justifier cette opinion. Évidemment, la recherche s’effectue alors dans cette optique et risque de négliger certains aspects de la question. Il est rare que, lorsqu’on questionne un individu sur un sujet controversé, celui-ci admette « ne pas y avoir pensé ». Selon cette approche, une opinion que l'on pourrait qualifier « d'autonome » naîtrait qu'après une réflexion ou une recherche d’informations et non pas avant. Notez au passage que je m’inclus à « ces individus » : je n’adhère pas à la tendance malheureusement trop présente d’analyser ou de juger « les gens » et de s’en distinguer! Mais où je veux en venir avec toutes ces histoires d’opinions? Qu’aucune personne (aussi intelligente se considère-t-elle…) n’est à l’abri des « opinions réflexes » ou des « opinions automatiques ». Ce type d’opinion permet un phénomène assez intéressant : nos actions concrètes et nos convictions peuvent se révéler tout à fait contradictoires à certaines de nos opinions (révélant ainsi qu’elles sont « automatiques » et que, si nous prenions la peine d’y réfléchir, nous n’y adhérions probablement pas). Ainsi, telle personne peut avancer qu’on ne doit pas juger la personnalité sur les apparences et sur les stéréotypes mais, étant quelqu’un de prude, elle se moque et juge la personnalité des jeunes filles trop peu habillées par exemple. Dans ce cas, l’opinion selon laquelle « on ne doit pas juger la personnalité sur les apparences » peut être en réalité un principe gravé par l’éducation morale mais aucunement assumé et pratiqué par l’individu.
À partir de ce point, ce que j’avance est quelque peu ambitieux et plusieurs seront sans doute en désaccord. Mais tant mieux : pour être honnête, c'est dans ces cas que je prends le plus plaisir à écrire! Il y a une « opinion automatique » à laquelle tout le monde adhère, à un point tel qu’il n’y a pas de controverse et qu’il est donc presque impossible de la remettre en question. Ce qui est intéressant, c’est que le phénomène décrit plus haut se produit avec cette fameuse opinion : tout le monde la contredit par leurs attitudes, leurs convictions et leurs actions. Quelle est donc cette puissante supercherie? L’idée que nous devrions aider les pays les plus démunis de manière à ce que le confort de leur population se rapproche le plus possible du « nôtre » (principalement les pays Nord-Américains et Européens). L’opinion que « nos » pays riches (je prends en considération que vous, lecteurs, possédez un ordinateur et du temps pour lire cet article, et donc que vous en faites parti…) sont trop riches et que la situation économique mondiale devrait être plus équilibrée. Nous avons tous déjà été confrontés à des statistiques qui dénoncent les injustices mondiales (« Tel pourcentage de la richesse mondiale appartient uniquement aux dix pays les plus riches du monde » « Tel personne possède le P.I.B. de tel pays », etc.). Ce type de statistique est en effet impressionnant et provocateur : avouons que l’idée qu’une seule personne puisse posséder plusieurs milliards de dollars et les garder uniquement pour ses propres intérêts est assez difficilement concevable! Pourtant, en termes purement économiques et mathématiques, proportionnellement, vous-même gardez votre argent pour vos propres intérêts et représentez sans doute cet individu milliardaire par rapport à plusieurs autres milliers de personnes...
L’idée ici n’est pas de dire qu’il n’existe pas d’inégalités ou que ces inégalités ne doivent pas être considérées injustes, ce serait absurde (l’idée de « justice » est, après tout, intimement liée à celle d’égalité). L’idée n’est pas non plus de dire que concrètement, avec vos actions, vous n’avez rien à faire des personnes plus démunies et qu’elles ne vous importent aucunement. Pourquoi? Parce qu'après tout, soyez honnêtes : vous le savez déjà! En effet, le mieux que certaines personnes accomplissent est peut-être de donner un peu d’argent à des œuvres de charité, mais nous savons tous que notre « routine » et nos préoccupations personnelles n’ont en général rien à voir avec l’aide internationale. Certaines personnes plus rares font un voyage d’aide humanitaire, mais il s’agit plus souvent d’une « expérience de voyage » qui se transforme très rarement en vocation. Non, l’idée est plutôt de dire que les principes qui rendent ces inégalités possibles sont à la base du fonctionnement de notre société et ont pénétré notre mentalité (au-delà de l’économie) à un point tel… que très rares sont ceux et celles qui voudraient s’en débarrasser, même au prix des inégalités internationales. Bref, au-delà de votre « opinion automatique », si vous vous attardiez sérieusement au sujet autrement qu'en répondant par pur réflexe, si un choix concret devait réellement être fait (et il l’est sans doute plus souvent que nous le croyons), je paris que vous souhaiteriez volontairement ces inégalités. Ouf, hard n’est-ce pas?
Qu’il soit question de salaire, de services ou de produits de consommations, nous en voulons toujours davantage pour notre usage personnel et ce indépendamment (voir au dépend) des ressources disponibles pour le groupe, soit souvent la société (c’est à cette attitude que l’on fait habituellement référence lorsqu’on parle de la montée de « l’individualisme »). Pensons aux syndicats : aujourd’hui, ces associations sont beaucoup critiquées puisqu’aux yeux de la société, elles semblent davantage exiger des caprices que des nécessités (contrairement à ce dont il était question à l’époque de leur naissance). Le même principe s’applique pour de nombreuses (non pas toutes!) manifestations et grèves : nous voulons retirer le maximum de ce que nous pouvons retirer du point de vue de « notre rôle », « de l’intérieur », indépendamment du bien de la société et de son regard (bien que quelques fois, ces causes prétendent hypocritement servir le bien de la société, camouflant l'égoïsme de la véritable motivation). On trouvera donc peu surprenant qu'il en aille de même pour notre rôle en tant que nation dans les interactions internationales.
« Se contenter du nécessaire » : voilà l’attitude ou la mentalité qu’exigerait l’égalité internationale considérant la disponibilité réelle des ressources économiques et naturelles! Une attitude non seulement que nous n’avons pas, évidement, mais surtout que nous ne voulons pas. Cruel comme auto-examen vous dîtes ? Mais bon, une fois de plus, soyons honnête : définir le « nécessaire » dans cette maxime serait tout un défi de société! Serait-il définit en terme de salaire? De biens? De services? Ou même de libertés? Ou un peu de tout? Un tel défi serait difficile, certes, mais tout de même réalisable (même s’il exigerait une définition inévitablement arbitraire). Or, le fonctionnement économique et la mentalité de nos « sociétés riches » ne nous laisse même pas l’occasion de relever ce défi puisqu’ils poussent la notion même de « nécessaire » à l’absurde, l’augmentant toujours dès qu’elle est atteinte, qu’il s’agisse d’acquisitions ou de confort en général (ment
alité commanditée par le monde de la pub!). Voitures, cellulaires et lecteurs DVD : caprices ou nécessités? On ne sait plus… Notre ami Diogène le cynique ne serait pas fier de nous! Je ne dis pas ici que ces principes de vie sont mauvais : à vous d’en juger. Après tout, c’est sans doute grâce à des principes du genre que la technologie ne cesse de se dépasser! En effet, c’est souvent (toujours?) grâce à l'intérêt économique des nouvelles technologies que les créateurs obtiennent des fonds pour la recherche et le développement. Ce que j’avance, c’est que cette mentalité est incompatible avec une égalité internationale, voire simplement une importante réduction des inégalités… et que nous y tenons, même en ayant conscience des résultats.
Autre exemple récurent de l’augmentation sans limites du « nécessaire » : une compagnie privée produit d’importants bénéfices. Que fait-elle ? Elle les réinvestit souvent dans des gadgets pour améliorer son « image » ou le confort de ses clients. Puis, avec le temps, ces gadgets deviendront tranquillement des « standards » et de nouveaux émergeront. Avec un peu de recul, les fameuses portes automatiques aujourd’hui si courantes ne peuvent-elles pas être considérées comme le summum de la lâcheté et du caprice? Mais la compagnie n’a pas besoin d’être « privée » : qui n’aimerait pas que notre système de transport en commun réinvestisse dans des bancs/fauteuils rembourrés plus confortables? En fait, nous pointons du doigt sans arrêt des cas où une somme astronomique d’argent est utilisée pour des projets superficiels alors qu’elle pourrait
l’être pour des projets plus nobles d’aide internationale. Pour ne citer qu'un cas, puisque nous parlons de somme « astronomique », le voyage de Guy Laliberté, ça vous dit quelque chose? Mais voilà la question à un million de dollars : pourquoi, malgré ces dénonciations récurrentes, les phénomènes qui causent les inégalités économiques et la pauvreté se perpétuent, voire s’empirent? Bien que plusieurs individus aiment s’imaginer des cornes sur la tête des chefs d’entreprise, principalement des multinationales, en réalité, aucun humain ne peut être insensible à ces documentaires ou à ces émissions chocs qui prennent pour objet les pays les plus démunis. Pourquoi ce phénomène se présente-t-il à nous comme une sorte d’engrenage irréversible que personne ne semble pou
voir contrôler? Voilà la réponse que j’essaie d’esquisser maladroitement ici : parce qu’en réalité, « les autres » qui prennent ces décisions et que tout le monde accuse, ce sont nous, les accusateurs. Au-delà de votre opinion-réflexe, vous ne voulez pas vraiment aider les peuples les plus pauvres, cela se reflète non seulement par vos actions, mais aussi par votre mentalité : vous ne tenez qu’à vous. Aïe! Cette affirmation ne passe pas très bien, n’est-ce pas? Pourtant, prenez la peine de la relire et réalisez à quel point elle est, en réalité, …neutre! C’est encore une fois notre « opinion réflexe » qui tend à l’interpréter comme un reproche. Nous pouvons porter des jugements, certes, mais ici, lorsque je dis « vous ne pensez qu’à vous », je l’avance davantage dans l’esprit d’un constat.
Bref, les ressources naturelles et économiques mondiales, réparties de manière égale, ne pourraient nous permettre de vivre dans les conditions avantageuses où nous vivons présentement. Or, nous ne désirons pas abandonner ce confort, ni surtout les principes de l’individualisme et du libéralisme qui nous permettent d’en espérer toujours davantage et d’être récompensés relativement à notre implication dans le système économique. Nous ne voulons pas abandonner le rêve de nous procurer un jour des caprices comme un écran HD, un Spa, un nouveau système de son, de nouveaux électroménagers, un nouveau cellulaire, un plus grand logement, un nouvel appareil photo, une nouvelle voiture, etc. Si nous avons l’impression que nous ne pouvons rien faire pour corriger les inégalités internationales et que notre monde est régit par un système semblable à une machine qui, une fois démarrée, ne peut plus s’arrêter, c’est que nous nous mentons. Lorsque nous croyons que nous ne pouvons pas changer les structures sociaux-économiques qui causent les inégalités sur le plan international, c’est parce que notre opinion réflexe (ou automatique) refuse d’admettre qu’en réalité, nous ne voulons pas le changer. Pour ceux et celles qui seraient choqués par cette interprétation, ne vous inquiétez pas, je ne vous interdis pas de garder espoir : ce qui est merveilleux avec les opinions, c’est qu’elles peuvent se modifier!